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Clair & Obscur
7 décembre 2022

Kaléidosphère

21 avril 2017

 

Il y exactement 20 ans j'avortai. Une interruption involontaire de grossesse. Douloureuse. Physiquement et surtout psychiquement. Une grossesse vivement désirée par moi, mais rejetée par le père de mon fils, alors unique. La naissance de ma fille deux ans et demi plus tard a atténué la souffrance, mais presque tous les 7 décembre qui ont suivi le 7 décembre 2002 j'avais mal au ventre : mon utérus se contractait et ne s'apaisait que lorsque je prenais conscience de la date du jour... Mais c'était supportable, ça venait juste me rappeler que je devais pardonner celui qui m'a lancé violemment à deux semaines et demi de grossesse "C'est moi ou le bébé". Je l'ai choisi lui, mon mari, et je l'ai longtemps regretté. Surtout quand il m'a annoncé qu'il ne m'aimait plus et qu'il voulait me quitter, en mai 2005, alors que l'accouchement de ma fille était prévu en juillet de la même année. J'ai été faible, soumise et j'ai subi ma vie, avec une confiance en moi nulle, une estime de moi proche de zéro et une image de moi des plus déplorables. Impossible de m'affirmer dans cet état d'esprit, je n'ai fait que composer, me sacrifier, pallier à, faire avec ou plutôt sans. Longtemps (et encore aujourd'hui parfois), je me suis vue arriver dans cette polyclinique en sanglotant, les jambes de laine, je me suis vue dans cette chambre de 2 avaler un comprimé, rester 2 heures à attendre que rien ne se passe, rentrer chez moi épuisée à devoir m'occuper de tout et surtout de mon petit monstre de 3 ans et demi, sentir la tension s'effondrer, les vertiges s'intensifier avant que le sang épais ne commence à couler. Je revois encore très clairement 20 ans après cet embryon mort dans l'herbe rouge du jardin clos de ce pavillon de banlieue Sud où la vie n'était pas douce. Deux semaines après l'IVG j'arrivais dans ma ville natale pour "les fêtes". Mon coeur n'y était pas, à la fête, mais j'espérais trouver du réconfort dans ma famille. Les relations avec mes parents n'étaient pas au beau fixe depuis plus de deux ans déjà. C'est alors qu'en passant devant l'hôtel de ville de ma cité portuaire natale, j'ai appris que celle que je considérais comme ma meilleure amie était en train de se marier, dans ce beau bâtiment où je m'étais moi-même mariée cinq ans plus tôt (et qui a brûlé en 2013). Pas informée, donc pas invitée, encore moins témoin. Et allez, on en remet une couche. Mais faire comme si de rien n'était. Continuer. Sourire. Y croire. Se souvenir de cette voyante qui, lorsque j'avais 18 ans, m'avait arrêtée en pleine rue pas loin d'ici pour me lire les lignes de la main, une nécessité pour elle apparemment, et qui avait répondu à mon interrogation quant au nombre d'enfants que j'aurai :"2. Non 3. Non 2." Aujourd'hui j'ai enfin tourné la page, j'ai enfin pardonné, j'ai deux merveilleux enfants, un garçon et une fille, dans l'ordre du choix du Roi, et je suis enfin divorcée. Reste à poursuivre vers le chemin du 3ème âge, que je laisse se profiler à sa guise, acceptant fatigue, cheveux blancs et corps vieilli, et accompagnant mes deux grands du mieux que je peux, et regardant devant avec tendresse mais incertitude. Je ne pose pas en victime, au contraire de ce que d'aucuns affirment sans savoir, je fais un constat à l'automne de ma vie. 

IMGP6913

 

Kaléidosphère, acrylique sur toile 20x30cm, décembre 2012

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